La réalisatrice Elsa Fayer nous permet à travers son reportage de mieux comprendre comment les modifications du travail amènent certains à l’épuisement professionnel.

La mécanique du Burn-out , d’Elsa Fayner dans « Le monde en face » sur France 5, émission diffusée le mercredi 14-02-217 et que je vous invite à revoir en replay.

« J’étais devenu une machine » dans une société où tout s’accélère toujours de plus en plus vite.

Elsa FAYNER relate à travers 5 parcours différents, cette mécanique du burnout :  Cadre en banque, assistante sociale, chef cuisinier, responsable associatif ou encore  berger, avec pour point commun qu’aucun d’eux n’a vu venir.

Les personnes touchées par le Burnout sont souvent des piliers même des entreprises, des personnes très investies sur lesquelles on peut compter, raconte Danièle LINHART, sociologue du travail qui préfère parler « d’effondrement » au lieu de Burnout.  Il s’agit pour elle d’une remise en question de la notion des valeurs intrinsèques de la personne. Cette sociologue explique qu’ après une dépression, la personne se repose, puis peut retourner au travail. En utilisant la notion « d’effondrement »elle permet de comprendre, que lorsque la personne essaye de retourner au travail, rien qu’à franchir le portail, elle ressent à nouveau la boule au ventre. Ses valeurs ont été bousculées par une telle violence qu’elle ne peut plus y retourner.

Il y a souvent un « avant » et un « après » au burnout

Parmi les symptômes fréquemment évoqués, les 5 évoquent tout d’abord :

  • la perte de poids,
  • des pertes de la mémoire ressemblant à de grands blancs,  comme une impression que le cerveau a fait un « reset »
  • pour l’un des tremblements , des bourdonnements , une hyper tension
  • une incapacité du corps à gérer les sucres

C’est comme si d’une seconde à l’autre tout bascule : le corps est soumis à des réactions physiologiques , comme une dépression brutale qui laisse sans force.

Il est important de comprendre qu’une déprime est une modification passagère de l’organisme et de son fonctionnement.

Dans une dépression , il s’agit d’une altération de notre fonctionnement interne, hormonal. Le support de notre capacité d’existence se modifie , il est remis en question.

  • « J’étais devenue une machine de guerre »

Ce qui est commun à chacun : C’est une carrière professionnelle hyperactive, puis soudain l’effondrement, la perte de sens.

Chacun se reconnait également dans une façon perverse de concevoir la notion du travail : « Celui qui ne travaille pas, c’est un fainéant, je ne me suis jamais arrêté …cela n’arrive qu’aux autres, on se sent une machine de guerre… »

  • « Nous allons vous faire grandir »
  • La sociologue Danièle LINHART, dénonce les modifications du travail depuis les années 2000.
    • L’entreprise attend du salarié qu’il soit un salarié vertueux, flexible, mobile qui vise l’excellence.
    • On lui propose de se dépasser, de se mettre en avant.
    • Des séminaires de « cohésion d’équipe » ont fleuri un peu parti comme le « saut à l’élastique » ou autre dépassement de soi.
    • On lui fait croire, que s’il accepte de s’investir, il va grandir au sein de l’entreprise.
    • On attire le salarié avec des stimulations affectives fortes comme si l’entreprise se substituait aux parents
    • Puis les demandes sortent du cadre, des valeurs de chacun.
    • On fait douter les personnes de ses compétences professionnelles
    • On rend les pratiques du salarié  obsolètes par des changements permanents.
    • On recompose les métiers, on change les logiciels, on impose la mobilité et des déménagements, on externalise puis on ré-internalise…
    • Le travail est sans cesse réorganisé,  les repères sont brouillés de façon à ce que les expériences qui ont servi auparavant deviennent inutiles
    • Si le salarié veut donner son avis, on le recadre gentiment en lui demandant de se tenir à ce qu’on lui a demandé , lui expliquant les nouvelles procédures .
    • Procédures qui changent régulièrement, qui sont censées lui être d’une grande aide sont finalement des stratégies pour que les salariés ne puissent s’opposer, ne puissent résister à une nouvelle stratégie concoctée par des cabinets dit d’experts.

Quant au psychiatre Robert NEUBURGER, il observe que même dans les métiers d’aide, on a modifié la relation à l’autre par des tâches à accomplir. Sans arrêt on se justifie de tout, et surtout de ce que l’on a plus le temps de faire.Les personnes finissent par croire qu’ils sont personnellement responsables de leur déficience : « Je suis un cas… »

Les personnes vivent en général mal leur arrêt de  travail vis-à-vis de leur employeur , ou  de leur famille, éprouvant soudain après cette hyperactivité un sentiment d’inutilité

Ce psychiatre est le premier a prôné qu’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier :

Qu’il est important de se construire un endroit où se ressourcer, un endroit pour récupérer, diversifier ses investissements rappelant «  que la liberté de l’humain c’est de choisir ses aliénations ».

La reconstruction après un burn-out:

La lente reconstruction de soi passe aussi souvent par l’entourage qui doit être compréhensif.

Elle n’est pas toujours sans séquelles, les personnes  gardent souvent des symptômes tels :

  • des agacements à certains bruits spécifiques liés à leurs activités antérieures
  • des pertes de mémoires
  • des moments d’angoisse, parfois même de panique.

C’est dans ce contexte de la reconstruction qu’il est alors important de savoir s’entourer, d’apprendre à se prendre en mains.

L’évaluation des Risques psychosociaux:

Marie PASCUAL, médecin du travail rappelle que c’est le rôle de l’entreprise de préserver la santé physique et mentale du salarié. Qu’il existe une évaluation de ces risques psycho-sociaux à travers la rédaction du document unique qui doit être mis à jour régulièrement. Cependant beaucoup de salariés ne connaissent pas l’existence de ce document.

Elle déplore que trop souvent le fait d’avoir recours à l’inaptitude dispense l’entreprise de réfléchir à sa responsabilité, son organisation interne, sa répartition des tâches, ou encore à ses méthodes de management.

  • Le mot de la fin :

« Quand on commence à comprendre ce qui nous est arrivé, c’est le moment le plus important de notre vie »